L’ombre de Trump s’allonge lors des élections de mi-mandat, mais le reste du camp républicain met la main à la poche.

Donald Trump. Sénateurs en herbe, membres du Congrès, gouverneurs, procureurs… tous se sont tournés vers l’ancien président comme cri de ralliement, devant accepter à leur tour tout le credo trumpiste : nier le résultat des élections de 2020, insister pour “sauver l’Amérique” et attaquer constamment le gouvernement démocrate, notamment ses politiques économiques et d’immigration. Sur les 236, seuls 19 ont perdu leurs primaires. Les 217 autres, soit 92%, ont gagné et se sont présentés aux différentes élections de mardi.
Bien que 61 de ces candidats n’aient pas rencontré d’opposition, le nombre est tout de même impressionnant. Parmi les personnes parrainées par Trump figurent des personnalités plus ou moins connues telles que Sarah Palin o Marco Rubiomais aussi un grand nombre d’inconnus, des fans de Trump ayant un passé généralement dans l’armée ou les médias, issus de zones rurales et pratiquement tous blancs. Sans Trump, il est très probable qu’ils n’auraient jamais été en mesure de réunir ne serait-ce que les fonds nécessaires pour se lancer dans une telle carrière.
C’est là que l’organisation, désormais convertie en . Il s’agit de ce que l’on appelle aux États-Unis un PAC (Political Action Committee), les organisations privées qui gèrent les dons électoraux pour les différents candidats. Selon les données compilées par le , Trump, grâce à MAGA, aurait a collecté 161 millions de dollars au cours de ce cycle électoral.… dont 92 ne seraient toujours pas dépensés, vraisemblablement réservés à sa propre candidature en 2024. En d’autres termes, il n’a pas donné à ses candidats ou au parti la moitié de ce qu’il avait à sa disposition.
Il a récemment exposé un exemple très clair de ce qu’a été la politique de Trump en matière de : Pendant les mois d’août et une grande partie du mois de septembre, six candidats républicains au poste de gouverneur de leur État n’ont pas diffusé une seule publicité télévisée après avoir remporté leur nomination aux primaires. Les six avaient été soutenus à l’époque par Donald Trump, qui avait ensuite fermé le robinet à argent. L’opposition semblait se situer au sein du GOP et, une fois vaincu, le reste n’avait pas tellement d’importance.
Laissez les critiques payer
Trump peut se permettre cela pour deux raisons : la première est purement politique. Il considère que son soutien personnel est déjà un prix suffisant pour qu’il n’ait pas besoin d’autre aide. L’autre est évidemment économique. Une fois ses candidats élus, il considère qu’il incombe au parti républicain et à ses grands donateurs de financer leurs campagnes, de remplir la télévision de publicités et de renforcer leur image publique par le biais de rassemblements, de fêtes et d’événements de toutes sortes.
C’est comme ça que ça s’est passé. Si l’on considère la seule course au Sénat, le PAC de Trump aurait dépensé 14,8 millions de dollars à l’échelle nationale. En comparaison, les grands donateurs du parti, dont SLF, American Crossroads, Faith & Power PAC, auraient versé 238 millions de dollars… dans seulement sept des courses les plus serrées : Ohio, Caroline du Nord, Pennsylvanie, Wisconsin, Géorgie et New Hampshire. Il se trouve que, dans ces sept élections, le candidat de choix est un candidat Trump, dont l’organisation n’a contribué que pour 10,9 millions de dollars.
En bref, même si Trump prendra probablement toute la lumière dans la défaite ou la victoire de ses candidats, il n’en reste pas moins que… c’est le Parti qui paie pour son parti.. Et certains sont ravis de le faire, mais d’autres sont plus réticents. Le cas le plus frappant est celui de Ken Griffinfondateur du fonds d’investissement Citadel et considéré comme le troisième plus grand donateur du parti républicain. Griffin a affirmé à plusieurs reprises que la rhétorique selon laquelle l’élection de 2020 était un hold-up doit être mise au placard et que Trump doit laisser la place à des personnes plus raisonnables et plus démocratiques.
Cela ne l’a pas empêché de donner jusqu’à soixante-huit millions de dollars à divers PAC pour soutenir des candidats républicains dans tout le pays. En principe, sa motivation déclarée est de lutter contre “la hausse de la criminalité et les problèmes d’éducation”, mais la vérité est que cet argent est en fin de compte allé directement aux campagnes des Oz, Masters et Cie. Les haut-parleurs des théoriciens de la conspiration de Trump.sans qu’il ait à verser un dollar en retour.
Le dilemme avec Mitch McConnell
L’ironie va jusqu’au fait que, au-delà des donateurs privés et de leurs opinions divergentes, la grande majorité de l’argent collecté pour cette élection est centralisée dans la figure de Mitch McConnell. McConnell, leader de la minorité républicaine au Sénat et, à 80 ans, probablement la deuxième personnalité la plus puissante du parti, a des amis en enfer. Et des amis puissants. Il contrôle et exige les principaux PAC, il décide où cet argent est dépensé, et il gère, dans une certaine mesure, les sommes dépensées dans chaque course électorale.
Cela implique, comme nous l’avons vu, versant des centaines de millions de dollars pour soutenir les 217 candidats de Trump.. Il a beaucoup à perdre. S’il veut garder son siège dans la nouvelle législature, les sénateurs doivent lui devoir quelque chose. Ils doivent percevoir que Trump est puissant à sa manière, mais que McConnell l’est aussi à sa manière, notamment en apportant de l’argent. Le magazine a estimé en septembre que les démocrates du Congrès avaient levé plus de fonds que les républicains dans 56 des 65 courses les plus disputées. Au Sénat, la situation était similaire : le magazine rapportait en octobre que, depuis le 4 septembre seulement, les démocrates avaient collecté 175 millions de dollars contre 77 millions pour leurs adversaires républicains.
Cependant, tout change quand on regarde l’argent dépensé en publicité… et c’est là que les réserves de McConnell et le sapement des différents PAC puissants par l’ensemble de la législature font la différence. Les dépenses publicitaires dans les sept courses les plus disputées susmentionnées ont atteint 202 millions de dollars, contre 127 millions pour les démocrates. C’est là qu’il est important d’avoir une bonne organisation derrière soi et de ne pas se fier à l’impulsion du moment. C’est là que McConnell devient indispensable.
Le problème ici pour le GOP est que McConnell et Trump sont des ennemis irréconciliables.. En fait, au milieu de la campagne, Trump a ouvertement critiqué McConnell et a demandé sa tête au Sénat en guise de récompense. Les nouveaux sénateurs MAGA seront donc confrontés à un premier dilemme dès leur entrée en fonction : faire preuve de loyauté envers ceux qui les ont soutenus par leur image et leurs discours… ou rester du côté de ceux qui ont payé leurs campagnes et leur ont permis de gagner leurs États ? Dans la résolution de ce dilemme réside l’avenir du GOP, du Sénat et probablement de la démocratie américaine. Si Trump continue à prendre le pouvoir, le parti républicain en tant que tel est en danger. un sérieux danger de devenir une autre branche de son empire..